De Castelnau (Jean-Charles Charuest)

Jean-Charles Charuest

Bas-reliefs (1986)

Travertin
Emplacements : édicule ouest et quais

Fidèle aux tons et matériaux des grandes villes italiennes ancestrales, la station célèbre la population montréalaise d’origine italienne. Sur ses murales aux graphismes empreints de légèreté, l’artiste rappelle des scènes du marché Jean-Talon, situé à proximité.

Le saviez-vous?

Jean-Charles Charuest a également participé à la refonte de la décoration de la crypte de l’Oratoire Saint-Joseph de Montréal.

À propos de l’artiste

Né à Québec, Jean-Charles Charuest (1925-2015) s’est longtemps spécialisé dans la décoration d’églises, près de 150 au total. Ses oiseaux sculptés dans des pierres précieuses du Colorado et de l’Arizona ont fait l’objet de plusieurs expositions à travers le Québec.

Cliquez sur ces photos pour les agrandir.

De Castelnau (Jean-Charles Charuest)   De Castelnau (Jean-Charles Charuest)   De Castelnau (Jean-Charles Charuest)   De Castelnau (Jean-Charles Charuest)

Source : page Info STM du 22 novembre 2004

On compare parfois les stations du métro de Montréal à de véritables cathédrales souterraines. Il est vrai que la station De Castelnau, avec son vaste volume principal et son escalier monumental, n’a rien à envier à la plupart de nos lieux de culte. L’artiste de cette station, Jean-Charles Charuest, peut en témoigner. Né à Québec en 1925, Jean-Charles Charuest s’est longtemps spécialisé dans la décoration d’églises, près de 150 au total. «Durant mes études au Collège de Saint-Laurent, j’ai eu l’occasion de côtoyer un vieux sculpteur belge. Il m’a montré comment sculpter certaines choses et tout cela est resté imprimé dans ma mémoire. Après mon cours classique, je suis entré comme apprenti chez Desmarais Robitaille, une grande orfèvrerie d’églises. Durant quatorze années, j’y ai perfectionné mon dessin et j’ai appris tous les métiers: l’art de travailler le marbre et le bronze, la coupe de pierres précieuses…»

«Puis est arrivé un événement important, le concile Vatican II. On y a changé toutes les façons de faire de la liturgie et du coup, l’orfèvrerie perdait sa place. J’ai quitté l’entreprise, j’ai suivi des cours et je suis devenu décorateur, mais un décorateur qui était en réalité un artisan professionnel. Entre-temps, la construction de nouvelles églises a débuté et il a fallu adapter les anciens sanctuaires à la nouvelle liturgie. Puisque j’étais un des rares artisans à savoir exactement comment cela fonctionnait, on me demandait de partout, de Sault-Sainte-Marie à Halifax, en passant par Cleveland et Montréal, où j’ai refait notamment la décoration de la crypte de l’Oratoire Saint-Joseph. Je travaillais de gauche à droite, d’un bâtiment à un autre. Les architectes aimaient ce que je faisais, car lorsqu’ils voulaient ajouter à leur projet une porte de banque, une grille ou un plancher de marbre, j’étais capable de les dessiner.»

Hommage à la Petite Italie

Parmi ces architectes se trouve celui de la future station de métro De Castelnau, Paul Goyer. Ce dernier propose à Jean-Charles Charuest de devenir l’artiste de cette station située en plein cœur de la Petite Italie, à deux pas du Marché Jean- Talon. «À mon arrivée, les matériaux de la station étaient déjà choisis: brique de couleur ocre, pierre travertine et tuile céramique, les mêmes matériaux que l’on retrouve dans les grandes villes millénaires italiennes. Par contre, il y avait beaucoup de murs à décorer et l’architecte se demandait quoi faire avec. Il était hors de question de s’en tenir à un seul objet comme une carafe en bronze placée au centre de la station. J’ai donc proposé à l’architecte de graver des dessins tout le long des murs des quais et de l’escalier principal. Il m’a demandé ce que je voulais dessiner, et je lui ai répondu: des Italiens!»

«Alors, durant quelques mois, j’ai observé les Italiens du Marché Jean-Talon et je les ai dessinés: le boulanger, le boucher, la fleuriste, etc. Ces dessins ont ensuite été gravés sur des panneaux de travertin dur que je suis allé choisir moi-même à Tivoli, en Italie. C’est un artisan du cimetière Notre-Dame-des-Neiges, Maurice Lord, qui a gravé mes dessins. Il s’est servi de la même technique que celle utilisée pour inscrire le nom des défunts sur les pierres tombales. D’abord, on transfère le motif sur un voile de caoutchouc, puis on place ce voile sur la pierre et on repasse par-dessus avec un jet d’air comprimé. Ainsi, tout ce qui a été découpé dans le caoutchouc est gravé dans la pierre. Il a fallu six mois environ à l’artisan pour compléter le travail. Je lui apportais les dessins et les panneaux de travertin à son atelier et il se chargeait du reste.»

Une œuvre ludique

Le 16 juin 1986, la ligne bleue du métro voyait le jour et la station De Castelnau ouvrait finalement ses portes. Comme le raconte Jean-Charles Charuest, certains voyageurs ont apprécié ses murales et d’autres moins. «Il y a même des gens qui m’ont dit que j’avais dessiné un supermarché Steinberg! Enfin, cela n’a pas d’importance. Je voulais réaliser une œuvre durable et effectivement, elle n’a pas tellement vieilli en vingt ans. Elle n’aura pas plus vieilli dans vingt ans car mes dessins n’ont pas été faits pour refléter la mode du temps. Il s’agit avant tout d’une histoire, d’une fable, avec des personnages intemporels et universels. Ce n’est pas une œuvre profondément intellectuelle, mais plutôt ludique. Chaque voyageur peut créer sa propre histoire.»

Retiré du monde de la décoration depuis l’âge de 68 ans, Jean-Charles Charuest se consacre désormais à la sculpture. Ses magnifiques oiseaux sculptés dans des pierres précieuses du Colorado et de l’Arizona ont fait l’objet de plusieurs expositions à travers le Québec. Il conserve de bons souvenirs du projet de la station De Castelnau et de sa collaboration avec l’architecte Paul Goyer. «J’aurais bien aimé travailler sur d’autres stations de métro mais ce n’était pas possible à ce moment-là. Il y avait beaucoup d’artistes sur les rangs et peu de stations disponibles. Alors, pour éviter les critiques, il fallait laisser la chance aux autres. Finalement, je me dis que j’ai été bien chanceux d’avoir une station.»

Haut de page