Maurice Savoie
Murales (1966)
Terre cuite
Emplacement : mezzanine sud
Commandées à l’origine par la compagnie Eaton, des murales en terre cuite ornent les deux colonnes et les deux murs attenants au magasin. Cette création de Maurice Savoie déploie, entre autres, des formes stylisées d’animaux, de fleurs et de feuilles.
Le saviez-vous?
Les blocs de terre cuite ont été produits et travaillés sur place à la briqueterie Saint-Laurent, située à La Prairie.
À propos de l’artiste
Né à Sherbrooke, Maurice Savoie (1930-2013) a été qualifié de « poète de la céramique » en raison de ses talents de céramiste-muraliste. Membre de l’Académie Royale des Arts du Canada et de l’Ordre du Canada, il a reçu le prestigieux Prix Paul-Émile Borduas en 2004.
Source : page Info STM du 15 juillet 2003
La station de métro McGill, l’une des plus achalandées du réseau, donne accès à de nombreux bâtiments du centre-ville de Montréal. L’un de ceux-là est le Complexe Les Ailes, qui a remplacé il y a quelques années le légendaire magasin Eaton fréquenté par plusieurs générations de Montréalais. À l’entrée du Complexe, près des tourniquets du métro, les passants peuvent admirer une série de murales en terre cuite réalisées en 1966 par le céramiste-muraliste Maurice Savoie. Né à Sherbrooke en 1930, Maurice Savoie est un véritable «poète de la céramique» pour qui la terre cuite n’a pratiquement plus de secrets. «La terre cuite est un matériau universel que tout le monde peut comprendre. Avec sa couleur chaude, c’est un matériau qui a une grande présence, surtout quand on le compare aux autres matériaux utilisés dans l’architecture contemporaine.»
Contrairement à la vaste majorité des œuvres d’art du métro de Montréal, les murales de la station McGill n’ont pas été commandées par les responsables du métro mais bien par une entreprise privée, les magasins Eaton. «Au milieu des années 1960, j’étais professeur à l’Institut des arts appliqués, qui avait succédé à l’École du Meuble de Montréal. Je m’intéressais beaucoup à l’intégration de l’art à l’architecture. L’économie était prospère, les chantiers de construction abondaient à Montréal et il y avait beaucoup de travail pour des artistes comme Jordi Bonet et moi, même s’il n’existait pas encore de loi gouvernementale favorisant l’art public. Un jour, les architectes de la firme Bolton, Ellwood et Eimers, mandatés par les magasins Eaton, se sont intéressés à mes œuvres. Ils m’ont demandé de décorer la nouvelle entrée du magasin Eaton qui allait donner directement sur la mezzanine de la station McGill. C’est grâce à cette intégration de l’art à l’architecture que j’ai pu réaliser par la suite d’autres murales de terre cuite pour les magasins Eaton de Laval et d’Anjou, ainsi que pour l’édifice de Radio-Canada à Montréal.»
Un gigantesque casse-tête
Les murales de la station McGill ont été réalisées à l’aide d’une technique audacieuse qui a permis à l’artiste de réduire considérablement ses coûts de production. «Au lieu de produire moi-même en atelier les blocs de terre cuite, je suis allé à la briqueterie Saint-Laurent, située à La Prairie. Il faut savoir qu’avant d’être coupée en briques, la terre cuite sort de la machine en ruban continu. Il suffisait donc de retirer quelques fils sur la ligne de production pour obtenir de plus gros blocs qui ne me coûtaient pratiquement rien. Ces blocs étaient mis de côté et placés sous des feuilles de plastique pour conserver leur humidité. La matière étant relativement molle, je pouvais y graver tous les motifs que j’affectionnais à l’époque: des fleurs, des feuilles, des oiseaux, etc. Il fallait toutefois que je travaille sur place, à la briqueterie. J’étendais les blocs par terre et je devais travailler à genoux pour faire mes traitements de surface, ce qui était très fatigant. Plus tard, j’ai résolu ce problème en inventant une sorte de chevalet avec du contreplaqué, ce qui m’a enfin permis de travailler debout!»
«Lorsque les traitements de surface étaient complétés, il fallait démonter les blocs, les séparer et les numéroter sur le côté, selon un ordre bien établi. Les blocs étaient ensuite placés dans des séchoirs avec le reste de la brique produite par l’usine. Une fois le séchage terminé, le tout était expédié dans d’énormes fours ronds Hoffmann pour une période de quelques jours. Quand c’était cuit, on récupérait les blocs, on les plaçait en ordre numérique et on les envoyait sur le chantier de la station McGill. Là-bas, des maçons étaient chargés de les installer avec mon aide. C’était comme un gigantesque casse-tête!» Présente lors de l’inauguration du métro de Montréal le 14 octobre 1966, l’œuvre de Maurice Savoie fut en quelque sorte l’une des premières œuvres d’art intégrées à l’architecture du métro de Montréal. Toutefois, ce titre ne lui a jamais été décerné officiellement car elle est située tout juste à l’extérieur des limites de la station McGill.
Sauvée de justesse
Progressivement tombées dans l’oubli, les murales de la station McGill auraient bien pu disparaître n’eut été de la vigilance de Maurice Savoie. Vers la fin des années 1990, elles ont été recouvertes d’affiches publicitaires par nul autre que leur propriétaire, les magasins Eaton. «Peu de temps après, le magasin a fermé et l’entrée a été bloquée. Des gens ont écrit dans les journaux pour dénoncer le mauvais traitement réservé à mes murales. Lorsque le bâtiment a été racheté pour être transformé, j’ai contacté les architectes du projet, Lemay et Associés, pour leur demander de faire quelque chose. La STM s’est également mise de la partie et a exigé le respect de l’œuvre originale. Finalement, les architectes ont accepté de remettre les murales en bon état, ce qui a empêché leur disparition. Des œuvres d’art public disparues, Dieu sait qu’il y en a eu au Québec...»
La restauration de l’œuvre a été confiée aux spécialistes du groupe Solubrik. Heureusement, les murales n’étaient pas très abîmées et une fois nettoyées, elles ont retrouvé leur beauté d’origine. Même si la restauration n’a pas été aussi importante que prévu, Maurice Savoie est fort heureux de la tournure des événements. «Au départ, les architectes souhaitaient enchâsser les murales dans des vitrines et les mettre en valeur par un éclairage très sophistiqué. Cela n’a pas été fait, peut-être à cause des coûts élevés ou tout simplement par manque de temps. En tout cas, j’ai beaucoup aimé travailler avec eux. En voyant le chantier du Complexe Les Ailes, ça m’a rappelé de bons souvenirs. L’intégration de l’art à l’architecture est toujours un travail passionnant.»