Tramway traîneau sur la rue Sainte-Catherine (vers 1877)
Les premiers tramways hippomobiles, c’est-à-dire des voitures tirées par des chevaux le long de rails installés sur la voie publique, apparaissent en Angleterre en 1807. À Montréal, les hivers rigoureux et les pentes abruptes retardent la mise en place d’un tel réseau. C’est seulement en 1861 qu’est créée la Montreal City Passenger Railway Company (MCPRC), première compagnie de transport collectif à Montréal. La compagnie confie la réalisation de son réseau de 10 km (6 milles) de voies à l’Américain Alexander Easton. La construction débute le 18 septembre 1861 et une première ligne est mise en service sur l’actuelle rue Notre-Dame le 27 novembre suivant. Une seconde ligne est inaugurée quelques jours plus tard rue Saint-Antoine.
Chaque tramway hippomobile compte deux employés : le cocher et le conducteur, qui vend les billets et perçoit le tarif de cinq sous. Les ouvriers, qui gagnent moins de un dollar par jour, ne peuvent pas encore utiliser ce service réservé à une certaine élite. Il suffit de héler le tramway pour qu’il s’arrête et on peut même demander au cocher de nous attendre quelques minutes! Durant sa première année, la compagnie effectue un million de déplacements. Trois types de véhicules sont utilisés : le tramway d’été, ouvert sur les côtés; le tramway d’hiver, ou tramway traîneau, fort utile quand les rails sont recouverts de neige et de glace; et l’omnibus, véhicule sur roues, utilisé lorsque les voies sont impraticables, notamment à la fonte des neiges au printemps.
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Les premiers tramways électriques font leur apparition en Europe au début des années 1880. À Montréal, l’électrification du réseau tarde à venir en raison des réticences des dirigeants de la Montreal Street Railway Company (MSRC), qui a succédé en 1886 à la MCPRC et qui compte près de 1 000 chevaux. Les travaux débutent finalement à l’été de 1892 et le tout premier tramway électrique montréalais, le Rocket, est mis en service le 21 septembre 1892. Le réseau est complètement électrifié deux années plus tard et l’achalandage double durant la même période, passant de 10 à 20 millions de déplacements. Entretemps, un système de billets de correspondance est mis à l’essai pour faciliter le passage d’une ligne rapide à l’autre.
Beaucoup plus rapides que les chevaux, les tramways électriques desservent bientôt le Sault-au-Récollet (1893), la paroisse de Saint-Laurent (1895), le Bout-de-l’Île (1896) et Lachine (1897). Parallèlement, la MSRC met en service à compter de 1900 des tramways à deux bogies, plus longs et plus spacieux. Surtout, elle inaugure en 1905 le tramway PAYE (Pay As You Enter), le premier véhicule au monde dans lequel le voyageur paie en entrant, au lieu d’attendre la visite d’un agent. La même année, elle met en service son fameux tramway observatoire qui émerveillera des générations de Montréalais, petits et grands. L’achalandage franchit le cap des 50 millions en 1905 et atteint le chiffre magique de 100 millions en 1910.
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Créée en mars 1911, la Montreal Tramways Company (MTC) fait rapidement l’acquisition des autres compagnies de transport de l’île de Montréal. Ce monopole privé n’est pas sans tracasser la population en général, qui s’inquiète pour la qualité du service offert. La nouvelle compagnie ouvre en fin d’année ses premiers ateliers à Youville, là où se trouvent aujourd’hui les ateliers d’entretien majeur du métro. Quelques années passent avant l’instauration en 1918 de la Commission des tramways de Montréal, organisme public chargé de superviser les activités de la MTC. Ce nouvel équilibre fonctionne plutôt bien et les tramways sont sur le point de connaître leurs plus belles années à Montréal.
À son apogée au début des années 1920, le réseau de tramways montréalais compte plus de 500 km (300 milles) de voies et plus de 900 véhicules transportent près de 230 millions de passagers par an. Une première carte du réseau est distribuée à compter de 1924 et les véhicules indiquent désormais le numéro de la ligne desservie. La même année, les premiers tramways à employé unique (solotrams) font leur apparition et les passagers doivent désormais monter à l’avant du véhicule. Un vaste terminus est inauguré en 1925 sur la rue Craig, l’actuelle rue Saint-Antoine Ouest, et la MTC déménage ses bureaux juste à côté en 1929. L’année suivante, la compagnie met en service la ligne de tramways sur le mont Royal.
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Après avoir longtemps dominé le paysage montréalais, les tramways subissent désormais la concurrence du bus, implanté à Montréal dès 1919 et bénéficiant de sa propre division à compter de 1925. Les bus bringuebalants des débuts ont rapidement fait place à des véhicules de qualité qui, sans pouvoir transporter autant de passagers que les tramways, peuvent être implantés rapidement et à moindre coût selon l’évolution de la ville. Après quelques essais de moindre envergure, la première substitution importante du tramway par le bus a lieu en 1936 dans l’est de la ville, sur la rue Notre-Dame. Le bus n’est plus un simple complément au tramway, mais bien son concurrent direct.
La Seconde Guerre mondiale redonne un nouveau souffle aux tramways. Le contrôleur des transports nommé en 1941 par le gouvernement fédéral oblige la MTC à limiter sa consommation de carburant et de pneus. La compagnie est alors forcée de remettre en service d’anciens tramways et d’en acheter quelques autres d’occasion. Elle met également en service en 1944 le PCC, dernier modèle de tramway utilisé à Montréal, dont elle reçoit seulement 18 exemplaires. C’est donc un parc vieillissant de tramways qui permet à Montréal de traverser la guerre et d’atteindre un sommet d’achalandage en 1947 avec 398 349 773 passagers transportés durant l’année.
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Devant les critiques formulées à l’endroit du monopole privé exercé par la MTC, la Ville de Montréal met sur pied, en août 1950, la Commission de transport de Montréal (CTM). Celle-ci prend possession le 16 juin 1951 des actifs de la MTC, y compris un grand nombre de tramways rendus à la fin de leur vie utile. Il faut donc les remplacer au plus tôt, mais par quel type de véhicule? Bien que fonctionnant à l’électricité, les tramways n’ont plus la cote en ce début des années 1950. Ils n’ont pas la flexibilité des bus et plusieurs automobilistes les accusent de bloquer la circulation au centre-ville. La décision est donc prise de les remplacer entièrement par des bus, sur une période d’une dizaine d’années.
Le retrait des tramways s’étend finalement sur huit années, durant lesquelles la CTM fait l’acquisition de quelque 1 300 bus pour remplacer ses 939 tramways. C’est ainsi que les «petits chars» disparaissent progressivement des rues de la métropole, notamment sur la rue Sainte-Catherine où un grand défilé est organisé en 1956. Le 30 août 1959, un autre défilé marque le retrait des derniers tramways à Montréal, sur l’avenue Papineau et le boulevard Rosemont. C’est la fin d’une époque, presque cent ans de tramways dans la métropole.
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